Masques cherokees

Cette mission menée en août 2024 par les équipes du MUMASK nourrissait une double ambition : enrichir la collection Amérique du Nord et contribuer à construire une politique d’acquisition plus éthique et transparente.

Enrichir la collection Amérique du Nord

Riche de 13 000 numéros d’inventaire, notre musée possède des pièces uniques provenant des cinq continents. Cependant, l'Amérique du Nord est l’aire géographique la plus pauvrement représenté dans notre institution avec seulement une vingtaine d’objets, soit 0,1% du total de nos collections. Ce qui n’offre qu’un très maigre aperçu des traditions culturelles des différentes populations installées dans le Nord de l’Amérique, un territoire extrêmement vaste.

Au-delà des lacunes que cela engendre au niveau scientifique, posséder aussi peu d’objets n’en permet pas une conservation idéale sur le long terme. Leur caractère unique au sein de la collection induit en effet une durée d’exposition plus longue, leur mise en rotation étant difficile, et donc un risque de dégradation par la lumière ou les variations climatiques dans les salles plus grand.
Pour enrichir cette collection, nous avons décidé d’acquérir neuf masques provenant de la communauté cherokee située en Caroline du Nord. En choisissant cette communauté, nous assurions une cohérence et une continuité dans la constitution de nos collections, puisque nous possédions déjà deux masques de cette culture.

Nous avons commandé la réalisation de ces neuf masques à deux artistes-artisans reconnus pour leur savoir-faire, leur respect des traditions et leur implication dans l’éducation locale et la transmission des techniques traditionnelles de fabrication de masques.

Billy Welch

C’est à l’école que Billy apprend la menuiserie, découvre le bois et s’intéresse aux masques. Véritable autodidacte, il ne cesse d’étudier, d’apprendre et réalise son premier masque à 18 ans. Il confectionne principalement des « Booger masks », des masques d’animaux et des masques représentant les 7 clans cherokees.

Aujourd’hui, il transmet son savoir-faire à l’école de Robbinsville. En effet, pour Billy, il est primordial que les jeunes Cherokees apprennent les techniques de leurs ancêtres.

Joshua Adams

Artiste et sculpteur de masques, Joshua est également professeur de sculpture sur bois dans l’école où il a lui-même appris cette discipline : la Cherokee Central Highschool. Là-bas, la sculpture est considérée comme un art à part entière.
Pour réaliser ses masques, l'artiste s’inspire des légendes cherokee traditionnelles. Les deux pièces confiées au musée représentent à ce titre les "Thunder Boys" de la légende du "Premier Feu".

Aujourd’hui, les masques de Joshua voyagent partout aux États-Unis, mais pour la première fois, ils seront exposés en Europe en juin 2025, entre nos murs.

Construire une politique d’acquisition plus éthique et transparente.

Les musées sont aujourd’hui confrontés à la nécessité de développer des politiques d’acquisition à la fois plus éthiques et plus transparentes, et de se questionner sur leur légitimité à acquérir, conserver et exposer des objets dits “sensibles”. Ce mot “sensible”, fait référence aux objets considérées comme sacrées par les peuples qui les ont produits et dont la manipulation, l’utilisation ou la vue sont soumises à des règles strictes. Mais aussi aux objets issus de contextes funéraires, ou constitués de matériaux d’origine humaine. Ou encore, aux objets pouvant être reliés à des événements historiques violents et traumatisants. Des objets dont la collecte s’apparente parfois davantage à du pillage ou du vol qu’à une négociation en bonne et due forme.

Avec le projet Cherokee, le MUMASK affirme sa volonté d’élaborer un protocole d’acquisition d’objets ethnologiques, plus éthique, ne reposant pas sur l’achat de pièces anciennes à la trajectoire douteuse et de valoriser des productions contemporaines d’artisans et d’artistes vivants qui travaillent dans le respect des techniques et savoir-faire ancestraux.

En adéquation avec cette démarche, il était essentiel de documenter les étapes de fabrication des masques, mais aussi de recueillir les témoignages de Billy Welch, Joshua Adams et de leurs élèves. Des interviews ont donc été réalisées, permettant de recontextualiser au mieux les dimensions immatérielles de ces patrimoines ainsi que les enjeux culturels et identitaires qui y sont associés.

Enfin, ce voyage a également permis aux équipes sur place de faire la lumière sur l’origine des deux masques cherokee conservés au musée, offerts par un collectionneur privé en 2018.

Le projet Cherokee bénéficiant du soutien de la Loterie Nationale, s’inscrit dans le cadre de la refonte de notre espace permanent “Masques aux cinq coins du monde”, qui ferme ses portes pour rénovation du 1er novembre 2024 au 13 juin 2025, date du 50ème anniversaire du Musée. Les masques acquis durant la mission, ainsi que les images récoltées, seront à découvrir dans l’exposition rénovée en 2025.
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